• Par Daniel NKOUTA « Tant que les lions n’auront pas leur propre historien, les histoires de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur », dit un proverbe africain.

     

    Le 28 septembre 1958, le Moyen-Congo, l’un des quatre Territoires de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F.) avec le Gabon, l’Oubangui-Chari et le Tchad, devenait la République du Congo. Le 15 août 1960, soit deux ans plus tard, cet ancien Territoire français accédait à la souveraineté internationale. Fulbert YOULOU, fils du Pool-koongo est alors élu Premier Président de la République, Maire de Brazzaville. Le 15 août 1963, à la suite d’un soulèvement populaire manipulé par les syndicalistes marxisants, Fulbert YOULOU est renversé pour être remplacé par Alphonse MASSAMBA ma NDEBANI un autre fils du Pool-koongo. Il sera à son tour victime d’un coup d’Etat en Juillet 1969, orchestré par des comploteurs nordistes au sein du Mouvement National de la Révolution (M.N.R.), conduits par Edouard Ambroïse Noumazalaye, un aventurier qui, après un long séjour d’études en France, n’y a ramené aucun diplôme, hormis sa ‘’complotite’’. Alphonse MASSAMBA ma NDEBANI aura comme successeur le Commandant Marien NGOUABI, un Officier originaire de la Cuvette. C’est la période de l’inauguration de la médiocrité, la descente aux enfers pour le Congo qui, sous la gouvernance de ses prédécesseurs était voué à un avenir radieux.

     

    En cinquante années d’indépendance, le Nord aura régné sans partage pendant quasiment quatre décennies. La lecture du bilan de cette période la plus triste de notre histoire, ainsi que je l’ai déjà écrit, se caractérise par le fait que, le Nord qui n’a pu produire autre chose que des régimes militaires, a fait montre d’une impéritie suffisante dont le seul mérite a été d’avoir écrêté le patrimoine commun et la consomption de la méritocratie, installant la médiocrité comme vertu cardinale à tous les niveaux.

     

    Pendant ce demi-siècle d’indépendance et de cohabitation douloureuse et forcée, on a tout dit sur les Koongo : comploteurs irréductibles contre le pouvoir établi, réactionnaires, intégristes, arrogants, fanatiques, messianistes, tribalistes ; rien n’a été épargné à ce peuple. Les envieux du Nord au Sud, car il y en a eu partout, ont brandi l’épouvantail, les ignorants ont laissé libre cours à leurs phantasmes. Toutes ces épithètes ont été brandies en chuchotant bien sûr car, devant la prestation élogieuse de Fulbert YOULOU et celle de Alphonse MASSAMBA ma NDEBANI, face au cycle dévastateur du pouvoir du Nord, comparaison qui démontre ceux qui ont travaillé et ceux qui ont détruit, on n’a jamais pu nous insulter à haute voix.

    Dans l’Avant-propos du compte-rendu de la gestion des 40 mois de son premier mandat à la Municipalité de Brazzaville, Fulbert YOULOU écrivait en mars 1960 ce qui suit :

    « La poursuite d’un but, l’accomplissement d’une œuvre exaltent les hommes. S’il entreprend une œuvre humaine, s’il poursuit le but de donner à ses frères plus de bien-être, plus de bonheur, plus de joie de vivre, l’homme est capable de se surpasser et l’histoire chrétienne est riche de miracles engendrés par l’amour. Mais, dans la recherche du bonheur, les moyens sont souvent rarement à la mesure de l’œuvre entreprise et, les difficultés s’accumulant, il arrive que le découragement s’insinue dans les cœurs. Il est alors bon de faire une halte, de souffler. C’est là l’occasion de mesurer le chemin parcouru et à constater l’avancement de l’ouvrage, à mesurer les progrès accomplis, on éprouve une immense satisfaction et le plaisir se raffermit d’aller encore de l’avant ».

    Il y a cinquante ans donc, les circonstances consécutives à l’action coloniale nous ont contraints à une cohabitation entre peuplades du Nord et populations du Sud, dans cet ensemble disparate dénommé par antiphrase : LA NATION CONGOLAISE. Ce 15 août 2010, le moment me semble venu de suivre le sage conseil de Fulbert YOULOU : Il nous faudra faire une halte, et souffler. Ce sera là l’occasion de mesurer le chemin parcouru et constater l’avancement de l’ouvrage, mesurer les progrès accomplis, pour voir si l’on éprouve une immense satisfaction d’avoir cohabité et si le plaisir se raffermit d’aller encore de l’avant.  

    Les cinq décennies dont nous allons célébrer sans gloire l’avènement, montrent que la Nation congolaise telle qu’elle nous est vantée aujourd’hui, est un concept qui a certainement pris quelque liberté avec la réalité. En présentant le concept de Nation dans une acception aussi large, et donc aussi vague que celle d’une communauté d’hommes et de femmes fondée sur le fait qu’une seule et même loi la régit, et en proclamant sans la moindre censure des faits que l’unité des différentes communautés ethniques congolaises se fera sur cette base ; on a, c’est une évidence, empêché la naissance d’un débat centré sur une problématique précise. Le concept de l’idée nationale a subi une interprétation qui a gravement mutilé sa nature réelle. Il s’agit d’une projection inconsciente de notre société dans la description apparemment plus objective, legs du colonialisme.

    Une recherche sur l’idée nationale doit porter sur l’ensemble des représentations au moyen desquelles une société se forge une certaine image de l’homme, de son corps et de ses différents principes spirituels. « L’homme ou l’essence humaine n’est pas une abstraction résidant dans l’individu pris isolément. Dans sa réalité, il est l’ensemble des rapports sociaux », disait Karl Marx. Et Lévy-Bruhl de dire : « L’homme en soi est une fiction. Il est toujours situé dans un cadre culturel historique ». Pour mieux comprendre le comportement de chaque être social, il faut examiner l’environnement social et affectif dans lequel baigne l’enfant.

     

    En effet, formé au dedans de la mère, l’enfant est à parfaire une fois au dehors. Cette tâche commence avec ce que l’enfant va absorber en tout premier lieu, et pendant un long temps : le lait maternel. Le lait est, autant que le sang, transmetteur des qualités et pouvoirs essentiels de la personne. Ici réside d’ailleurs la raison essentielle pour laquelle l’allaitement au lait en poudre est décrié par les traditionnalistes. Ils estiment que l’enfant absorbe avec ce lait les caractéristiques essentielles de la source de ce lait, c’est-à-dire les aptitudes, le tempérament et les caractères d’une vache et animaux divers et inconnus dont le lait se trouve être composé. On donne ainsi à l’enfant, un breuvage dont on ignore à la fois l’origine et les composants. Durant les neuf mois de gestation, la mère fera passer par le sein à l’enfant ses qualités essentielles de cœur et de d’esprit, qui conditionneront désormais toute la vie de l’enfant. Or, il est vrai que ces qualités essentielles de cœur et d’esprit sont loin d’être les mêmes au Nord et au Sud, car déjà, nos régimes alimentaires, nos conditions de vie sont si différentes. Ceci explique cela.

    Il est donc intellectuellement décent et sociologiquement correct, qu’en prenant pour point de départ le sens originel de la tradition et en considérant nos diverses qualités essentielles, l’on évitera assurément le risque de se cloîtrer dans une problématique d’inspiration complètement allogène à notre mode de pensée. L’idée nationale congolaise ne se bâtira qu’avec les matériaux disponibles sur le terrain et non par ce verbiage de la scolastique décadente, qui nous suggère depuis 1958, une Nation scoliotique. La problématique spécifique liée au concept de la Nation propre à l’aire culturelle négro-africaine existe ; il faut simplement la dégager sans hypocrisie réciproque et en termes précis, afin de la proposer comme thème pour une réflexion sur l’organisation sociale de notre pays. Espérer une Nation par cette combinaison allergénique d’ethnies différentes, c’est véritablement procéder autrement et courir le risque de proposer un débat autour d’un faux problème, se situant très en deçà de l’étiage de l’espérance logique de notre collectivité sociale ; c’est mentir proprement.

    Posons courageusement cette question nationale dès maintenant, sans craindre d’être étiqueté comme tribaliste. Il s’agit d’un débat sociologique, ce qui se passe devant nous nous interpelle. C’est le cas de la Force publique, l’Institution la plus tribalisée du pays, et l’on a beau dénoncer cela ; pour SASSOU, le chien aboie, la caravane passe. Ce que nous ignorons dans le Sud par exemple, c’est qu’après avoir officiellement dissous les Milices armées, les Cobras ont pour la plupart eux, été reversés à l’Armée et dans la Police, et si l’on a ramassé les armes dans le Sud, le Nord demeure très fortement armé, jusqu’y compris dans les Quartiers Nord de Brazzaville, et la ville de Pointe-Noire n’est pas épargnée. Tout est mis en œuvre pour fabriquer d’autres Milices armées sous le couvert de la loi. Tel est le cas du stage de formation militaire qui vient d’être organisé pendant 45 jours, au Centre d’instruction de Kouala-Kouala, au profit de 172 Douaniers, dont la diffusion de la liste pourrait nous édifier. La Cérémonie de clôture a été patronnée par le Colonel Gibert BOKEMBA, originaire probablement de BOKO, commandant la Zone de défense n°9, commandant la 40eme Brigade d’Infanterie, en présence de Jean-Alfred ONANGA, Originaire certainement de KAKAMOUEKA, Directeur Général des Douanes et des droits indirects.

     

    La promotion sortie de ce stage a été baptisée : « CHEMIN D’AVENIR », pour caractériser l’ancrage des Douanes pourtant Service public, au Parti Congolais du Travail. Mais plus significatif de l’état de notre Etat, irrespectueux des valeurs républicaines, qui s’est pourtant donnée le français comme langue officielle, (que chacun mettre sa ceinture de sécurité), tant l’information est une véritable zone de turbulences, le deuxième module du fameux stage des Douaniers a été intitulé : « OBARA-DZORO » qui voudrait dire, semble-t-il « savoir se protéger ou se mettre à l’abri ». Nous revenons à l’époque de « KIA NGUE WO » ! A un ami Français qui m’a demandé de quelle langue s’agit-il. J’ai simplement répondu, que s’agissant des Douanes, Service étatique, ce ne peut être que du français langue officielle. Voilà la République dont nous allons célébrer le cinquantenaire de l’indépendance !

    Que ceux qui blâment mon approche réputée tribaliste et dangereuse pour l’unité nationale, trouvent une justification à cette mutilation des valeurs républicaines. En ayant refusé depuis 50 ans d’aborder courageusement et franchement cette question sur la formation de la nation, nous avons crée la possibilité que 50 ans plus tard, le Nord qui a accaparé le pays, nous le présente aujourd’hui avec un électroencéphalogramme plat.

     

    Ainsi va le Congo droit en ENFER !


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