• L'ARTIFICIALITE DE LA NATION CONGOLAISE

     

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    L’article, dont intitulé : « L’IRRÉVERSIBILITE DE L'OPTION SÉCESSIONISTE EN AFRIQUE : LE CAS DU CONGO BRAZZAVILLE. », que j’ai, il y a quelques mois publié dans un hebdomadaire local puis sur Internet, a été perçu par certains « tribalistes » récalcitrants et irréductibles qui se réservent bien de s’afficher comme tels, comme un brûlot susceptible d’attiser la haine tribale. C’est du reste l’argument récurrent dont on use pour espérer, par la peur, étrangler tout débat sur ce sujet pourtant essentiel de la construction d’une véritable « nation congolaise ». Par Daniel Nkouta.

     

     

    Quand cet argument est brandi par des fanatiques d’un régime dont la seule essence est justement la pratique du « tribalisme » au quotidien, cela relève de la pure hypocrisie, et aucun Magistrat n’osera, en toute conscience, le regard franc, faire grief à un Congolais de diffuser des propos réputés dangereux pour leur ethnicité, lorsque l’on sait qu’ici et là, et cela depuis le retour de Sassou, les nominations dans toutes les institutions répondent justement au seul critère ethnique par un régime qui a décidé de mettre la compétence en congé ad vitam.

     

    Ces hypocrites s’abritent derrière le premier article trompeur de ce qui nous tient lieu de « Constitution », et qui ne contient dans sa formulation aucune réalité lorsqu’il proclame : « La République du Congo est un État souverain, indivisible, laïc, social et démocratique ». Belle arnaque ! On sait tous qu’un pays dont les seules fêtes officielles et célébrées sont chrétiennes, n’a rien d’Etat laïc, et le Congo n’a rien de souverain, d’indivisible, de social ni de démocratique. Ainsi, pour menacer toute velléité de mise en cause de cette sacro-sainte indivisibilité de la République, on proclame le « principe de l'intangibilité des frontières ». Ce principe issu du Droit romain, qui autorisait une partie à contester et à réclamer un territoire qui a été acquis par la guerre, a servi de légitimer la conquête coloniale du continent africain. S'appuyant sur ce principe d’une évidente absurdité, les nouveaux Etats africains nés au lendemain des indépendances ont, à travers l’« Organisation de L’Unité Africaine (OUA) » espéré par ce biais réduire la possibilité de guerres frontalières entre les nouveaux Etats indépendants. Cinquante années plus tard, nonobstant le fait que de nombreux litiges de revendication de frontières opposent ces Etats, l’on tente obstinément de nier l’évidence en regardant dans le sens contraire de la réalité.

     

    Le constat de l’absurdité, mais surtout de la dangerosité des frontières léguées par la colonisation est une vérité d’évidence. Ces frontières résultant de la simple articulation du pantographe des intérêts et des rapports de forces des puissances coloniales, en ignorant la réalité sociologique et historique des populations, ont généré des problèmes insolubles résidant dans l’impossible cohabitation harmonieuse des groupes ethniques qui y ont été enfermés d’autorité.

     

    Les Chefs d’Etat africains engoncés dans leur certitude de « l’intangibilité des frontières », ont fait mine d’ignorer le drame d’un Soudan délité au sein duquel la population de la partie méridionale avait cessé d’être un peuple pour muer en une population qui voyait ses droits légitimes bafoués par la partie septentrionale détentrice du pouvoir politique et militaire, pour générer in fine un déni de droits qui a abouti à une guerre dite civile, harassante. Cette situation du Sud Soudan, si l’on persiste ici et là à jouer les sourds aux gémissements des populations asservies par le pouvoir d’une ethnie arrogante, pourrait très bientôt devenir contagieuse dans le continent.

     

    On a beau vouloir par l’intimidation propre au régime policier, interdire tout débat tendant à réfléchir sur la question de la validité du « principe de l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme », et donc sur la question de la fictivité des nations africaines enfermées à l’intérieur de ces frontières, on a beau vouloir par des théories absconses donner à croire que telle approche constitue un brûlot susceptible de dynamiter la stabilité de la société actuelle pour bancale qu’elle soit, et que donc, comme la foi chrétienne, toute tentative de questionnement sur le sujet est blasphématoire, et qu’il suffit de croire que la nation congolaise existe sans s’interroger sur sa réalité pour cela soit vrai; on avance sourdement mais sûrement vers l’éclatement de la fameuse « République une et indivisible ». La « nation congolaise » est morte, elle a été tuée par la « mboshisation » de l’Etat dans la totalité de ses compartiments, dont les récentes « nominations » des « Généraux » au parcours scolaire douteux est la consécration, acte solennel de la privatisation de la « Force publique en Forces Armées Claniques (FAC) ». Je ne cesserai de la clamer, notre fameuse « nation congolaise » n’aura en fait été et demeure qu’une simple pétition de principe une formule incantatoire.

     

    Les naïfs qui refusent de lire la vérité ont beau chanter que la nation congolaise existe, et que nonobstant le verdict des faits qui statue en sens contraire, il convient de nous convaincre qu’avec le temps, malgré leur apparente hétérogénéité, les diverses populations du Congo finiront par constituer une « nation congolaise » au sens propre du vocable, proclamant que notre diversité est une richesse ; chaque jour qui passe, cette espérance s’amenuise. Il s'est, hélas, trouvé à chaque période du parcours historique de notre société depuis cinquante ans, je demeure courtois, des pires imbéciles, des déments et des criminels de notre intelligentsia ou ce qui en tient lieu, qui se sont trompés du tout au tout, prenant ce discours empreint de lyrisme candide pour de la science, ces certitudes tranquilles pour des démonstrations scientifiques. Ces cerveaux à la santé douteuse qui se laissent bercer par l’espérance d’une « nation congolaise » hybride du Nord au Sud justifiée et magnifiée par des raccourcis nauséeux qui donnent le vertige, s’emploient à diffuser des théories sans lendemain qui étourdissent nos diverses populations martyrisées, professant un concept national cité à comparaître devant l’histoire.

     

    La question essentielle aujourd’hui après cinquante ans de tergiversation dans la recherche de la solution idoine pour notre développement, c’est de trouver la cause de cette déchéance que personne ne saurait nier. Certaines théories qui s’imposent à nos sens, non à cause de leur valeur, mais à cause de la notoriété prétendue de leurs auteurs, affirment sans souci de preuve, que certaines maladies du corps social comme : la « mauvaise gouvernance », le « fanatisme », l'« irréligion », seraient la cause de la déchéance déplorée de toute société humaine. Je consens personnellement comme l’opinion générale, que le développement de ces tristes fléaux est un frein à l’émergence d’une société moderne. J’entends toutefois préciser que si ces fléaux de désorganisation qui ne sont en réalité que des épiphénomènes, ne sont pas entés sur un principe destructeur plus vigoureux, s'ils ne sont pas les conséquences d'un mal caché plus dangereux, on peut rester assuré que leurs coups ne seront pas mortels, et tôt ou tard la société en guérira.

     

    La cause réelle de la déchéance d’une société se trouve ailleurs. Pour la diagnostiquer, il faut préalablement nous entendre sur la définition du vocable « société » autrement dit bien expliquer d'abord ce qu’il convient d’entendre par ce vocable. La société, loin s’en faut, n'est pas comme on le laisse croire, le cercle plus ou moins étendu dans lequel s'exerce, sous une forme ou sous une autre, une souveraineté distincte. La société est une réunion, plus ou moins parfaite au point de vue politique, mais complète au point de vue social, d'hommes et de femmes vivant sous la direction d'idées semblables et avec des instincts identiques. C’est au sein de ce corps social autrement désigné par « nation » ou « peuple » notion débarrassée de l’amphibologie qui en résulte souvent, et distincte de « population » qu'existe la cause de sa déchéance. Et en creusant plus loin que l'écorce avec la volonté de comprendre vraiment, on trouve inévitablement l'existence irrécusable, bien que latente, d'une cause générale de la déchéance d’un corps social : « la dégénérescence ». La dégénérescence d’un corps social signifie que ce peuple n'a plus la valeur intrinsèque qu'autrefois il possédait, parce qu'il n'a plus dans ses veines le même sang, dont des alliages successifs ont graduellement modifié la valeur. Autrement dit, qu'avec le même nom, les membres de ce peuple n'ont pas conservé la même nature que leurs ancêtres ; que l'homme de la déchéance est un produit différent. Tout être humain crée sa culture à l’intérieur d’une communauté qui se définit par opposition aux autres. C’est une loi de la nature que les théories assimilatrices diffusées par les falsificateurs ne sauraient démentir.

     

    L’on voudra bien soutenir, il est vrai, que cet homme du compromis né de la greffe sociale multiethnique possède quelque chose de son essence originelle; mais, plus il dégénère, plus ce quelque chose s'atténue. Les éléments hétérogènes qui prédominent désormais en lui, composent une nationalité toute nouvelle et bien malencontreuse dans son originalité. Il n'appartient à ceux qu'il dit encore être ses ascendants qu'en ligne très collatérale. Il mourra définitivement et sa civilisation avec lui, le jour où l'élément ethnique primordial se trouvera tellement subdivisé et noyé dans des apports d’ethnies hétérogènes, que la virtualité de cet élément n'exercera plus désormais d'action suffisante. Elle ne disparaîtra pas, sans doute, d'une manière absolue ; mais, dans la pratique, elle sera tellement combattue, tellement affaiblie, que sa force deviendra de moins en moins sensible, et c'est à ce moment que la dégénérescence pourra être considérée comme complète, et que tous ses effets apparaîtront, car, c’est une certitude scientifique que toute nation meurt lorsqu’elle est se trouve composée d'éléments dégénérés.

     

    Lorsque je révèle ces vérités qui mériteraient pourtant de faire partie de l’enseignement dans nos écoles, afin que nos enfants puissent comprendre pourquoi, dans un pays producteur de pétrole ils doivent s’asseoir à même le sol dans les salles de classe, que nos hôpitaux ne disposent d’aucun médicament, que nos soldats ou ce qui en tient lieu sont mal vêtus, que nos quartiers vivent sans eau potable et sans électricité, que dans nos casernes désormais la langue officielle est devenue le mboshi, etc., on dit, cet homme est dangereux, il est « tribaliste » ! Ce qui dérange le plus, c’est que j’ai toujours revendiqué avec courage et fierté ma « tribalité », n’ayant jamais prêté le moindre serment m’interdisant d’être « tribaliste », ce qui est différent pour Sassou qui lui est tenu par un serment devant le pays dont il est tristement parjure.

     

    Mais comment en sommes nous arrivés là ? La cause gît dans la partie de notre histoire jamais enseignée. Et même si l’on avait voulu enseigner ce pan de notre histoire, si la tâche est facile dans le midi du pays, il faut dire qu’elle n’est pas aisée pour l’historien qui s’emploierait à rechercher les sources sur l'origine et l'histoire des peuplades du septentrion de ce qui nous tient lieu de pays commun. Hormis le fait que la totalité de leurs régions sont forestières, le gros handicap pour l’historien vient de ce que ces régions sont abondamment inondées, l'eau, qui n’autorise pas de laisser des traces sur son plan, dégradant ensuite systématiquement tous les vestiges. Enfin, le mode de vie dicté par la pêche conduit à un nomadisme au gré des saisons. Cette situation de vasière envahissante a conduit à l’époque de la pénétration coloniale, un administrateur colonial à déclarer, que cette zone ne doit pas être mesurée en mètre carré, mais en hectolitres. Conséquences fâcheuses, le défaut de vestiges archéologiques, fait de ces peuplades des êtres anhistoriques, car retracer l’histoire de ces zones marécageuses n’est désormais réalisable que par une succession d'hypothèses, et d’ailleurs, comme l’a mentionné avant moi un autre citoyen averti, la mémoire vive interrogée par les premiers explorateurs détenant l'écriture, n'a pu nous restituer que cinq générations au mieux. Ce qui est très peu pour fonder l’histoire d’un peuple.

     

    La première constatation de cette situation est, qu’issus de ces zones où l’eau et la forêt règnent en souveraines interdisant toute pratique de l’agriculture ; nos amis du Nord n’ont connu jusqu’ici que la civilisation de la cueillette, qui leur épargne le moindre effort pour trouver la nourriture dans la terre, la mère nourricière de toutes les civilisations. Ils cueillent tout dans la nature, ils pèchent et chassent ; hormis les « Tékés », les « Mboshis » ne cultivent rien. Conséquence immédiate : « Ledza Lenua ». Vivant depuis toujours au bord de l’eau quand ce n’est pas dans l’eau, où il suffit donc simplement de puiser directement dans le marigot ou la rivière, quelque soit le « Mboshi » qui viendra au pouvoir, la question de l’eau potable dans nos Communes, ne sera jamais une préoccupation. Habitués dans une cohabitation séculaire avec le moustique, la condition hygiénique dans nos agglomérations n’a jamais été dans la pensée de l’homme du Nord. Crions, vociférons, nous ne changerons rien dans leur mode de pensée. Si sous Alphonse Massamba ma N'Debani l’on a pu constater les nombreuses réalisations sur le plan économiques, les Présidents du Nord nous ont servi un hiatus profond et effrayant entre le discours et l’action.

     

    Mais pourquoi donc les « Tékés » qui cohabitent avec ces « Mboshis » depuis longtemps, sont-ils différents, laborieux, sociables, organisés, me rétorquera-t-on ? La réponse se trouve d’une part dans le fait que les « Tékés », longtemps avant la pénétration coloniale, connaissaient déjà la notion de pouvoir central et ont toujours eu le sens du commerce. Autrement dit, ils connaissaient déjà la civilisation. L’autre raison est le fait qu’historiquement, in fine culturellement, les « Tékés » et les « Mboshis » n’ont rien, absolument rien en commun.

     

    En tout cas, cette belle pagaille de la vasière qui couvre l’étendue septentrionale, aura permis de dissimuler la traçabilité des origines réelles de certaines peuplades du Nord, autorisant la confusion malheureuse, volontairement entretenue depuis longtemps, qui a fait désormais des « Tékés » d’Alima, ressortissants de Mboundji, des « Mboshis ».

     

    Daniel NKOUNTA


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