• BRAZZAVILLE , 10 fév (IPS) - "Le problème chez nous, c’est celui des ressources qui ne profitent pas à tous. Le Forum de Dakar est une occasion pour échanger avec les autres et savoir ce qu’il faut faire", déclare Brice Mackosso, secrétaire général de la Commission justice et paix, une ONG basée à Pointe-Noire, la capitale économique du Congo.

    Mackosso, dont l’organisation non gouvernementale (ONG) est l’un des rares représentants de la société civile du Congo Brazzaville au Forum social mondial (FSM) de Dakar, ajoute à IPS : "La situation des producteurs agricoles, toujours pauvres, est très préoccupante au Congo".

    Pour faire face à cette pauvreté, les agriculteurs troquent leurs productions contre des biens manufacturés ou des services pour régler des situations sociales. "Ma femme a souffert d’un paludisme. Faute d’argent, j’ai donné six sacs d’arachide à l’infirmier pour ses soins médicaux", témoigne Pierre Mavinda, agriculteur à Ngouaha II, dans le sud du pays.

    "Même pour l’école des enfants, on échange les cahiers contre l’arachide, les courges et le manioc. Parfois, on envoie les enfants cultiver le champ de l’enseignant", ajoute Mavinda à IPS.

    "Le pagne que je porte, les ustensiles de ma cuisine, c’est grâce au troc. On a les services avant même les récoltes", souligne Philomène Passi Mahanga de Loubeti, dans le sud.

    A Bouansa (sud-ouest), les commerçants payent, avant leur maturité, les mangues, les avocats et les safous. Plus tard à la cueillette, les producteurs n’ont que leurs yeux pour admirer les fruits. "Ils nous donnent entre quatre et dix dollars, selon la qualité, pour un manguier", affirme Pamela Ngoma, qui reconnaît qu’en vendant lui-même, il gagnerait cinq à dix fois plus.

    "On ne regrette pas, ça nous aide", affirme Elisabeth Pahou, une paysanne de Boudianga, dans le sud.

    Mais, certains responsables des associations agricoles s’insurgent contre cette pratique. "C'est de l'exploitation! Ces pagnes sont vendus à six dollars à Brazzaville ou à Pointe-Noire. Mais les commerçants les prêtent aux paysannes à 10 dollars, alors que si elles avaient elles-mêmes vendu normalement leurs produits, elles en acheteraient bien plus", explique à IPS Jonas Ngouala, président de la coopérative 'Muti Yaka' (bouture de manioc en langue locale), basée à Mouyondzi dans le sud-ouest.

    Les acteurs de la société civile accusent les autorités. "Ce sont des pratiques d’un autre siècle. C’est inadmissible, et tout ça c’est parce que l’Etat ne sait pas redistribuer les ressources dont nous disposons", a commenté Christian Mounzéo, président de la Rencontre pour la paix et les droits de l’Homme (RPDH), une ONG basée à Pointe-Noire.

    "La pauvreté est très palpable au niveau des agriculteurs qui vivent très mal dans nos villages. Malgré nos ressources, il n’y a pas d’hôpitaux ni d’écoles chez les paysans qui pratiquent alors le troc pour survivre", déplore Mackosso.

    D’après le gouvernement, 40 pour cent des ménages congolais sont des exploitants agricoles, mais ne cultivent que deux pour cent des 10.000 hectares des terres cultivables dans le pays. "C’est juste une agriculture de survie, ce qui nous maintient à de grandes importations de produits agricoles. Cela est dû au manque de routes pour permettre aux cultivateurs d’évacuer leurs récoltes", affirme Mounzéo.

    Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, le secteur agricole ne comble que 30 pour cent des besoins alimentaires du pays. L'Institut international de recherche des politiques alimentaires, basé à Genève, indique que 21 pour cent de Congolais meurent de faim.

    Les crédits agricoles sont inexistants dans les localités rurales. D’après les agriculteurs, la création en 2005 du Fonds de soutien à l’agriculture a simplement permis d’enrichir les fonctionnaires qui savent rédiger des projets. Doté de 1,5 million de dollars, ce fonds n’arrive pas à satisfaire toute la demande, faute d’argent.

    "Et puis, les bénéficiaires ne sont autres que des fonctionnaires de l’Etat qui se passent pour des producteurs agricoles", a relevé Dominique Kenga, coordonnateur national du troisième Projet de développement rural, co-financé par la Banque mondiale.

    "Nous comptons échanger avec des amis au FSM de Dakar, et voir comment on peut améliorer la situation de nos producteurs agricoles, et les sortir de cette vie de grande misère", déclare Mackosso.

    "Souvent, il y a des recommandations à l’endroit de nos gouvernants. S’ils les appliquent, on pourrait observer un changement sur la misère des agriculteurs", selon Roger Bouka Owoko, directeur exécutif de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme, une ONG basée à Brazzaville, la capitale congolaise, et qui avait participé au FSM régional de Bamako, en 2006.

    "En tant qu’organisation des droits de l’Homme, nous attendons que les associations des agriculteurs, des consommateurs et celles qui défendent les droits économiques et sociaux, organisent des manifestations pour appuyer les FSM. Mais souvent, elles ont peur d’être matées", affirme Bouka Owoko. (FIN/2011)

    Ainsi va le Congo sur le chemin de l'Enfer !


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  • A l’allure où vont les choses, nous sommes en train d’être vampirisé par des discours politiciens à nous dissiper sur la réalité de ce qui nous est ontologique. Là où sous d’autres cieux la tribalité est le socle des assises identitaires, chez nous au Congo, elle devient une idéologie, galvaudée pour nourrir la polémique.

    La tribalité est d’abord et avant tout une manière d’être soi. Elle définit une manière d’être au monde. Elle est inspiratrice d’un référentiel du vivre ensemble. Elle est une structure d'interprétation, de schémas cognitifs, pour comprendre les événements qui se produisent avant de devenir une structure d’organisation. Elle est une loi immanente inscrite dans le corps par des histoires identiques et déposée en chacun de nous par la prime éducation, celle de notre patrimoine culturel commun.

    La tribalité est de l’ordre de l'habitus qui met en scène une intériorité habitée par le sens pratique qui fournit une alternative féconde aux conceptions culturelles venues d’ailleurs. La tribalité n’est ni un concept ni une idéologie, elle est un paradigme. En tant que telle, elle ne peut pas incarner la régression. Elle ne s’inspire pas des archaïsmes, elle se nourrit au contraire des archétypes. Il ne s’agit donc pas d’un retour à je ne sais quel âge de la pierre.

    La tribalité parle de ce supplément d’âme qui encadre la modernité. Pourquoi parle-t-on ici et là de comité d’éthique ? Pourquoi évoque-t-on la crise des valeurs ? Eh bien, c’est par ce que la poussée consumériste s’est rué tout azimut broyant au passage la singularité des peuples.

    On oublie un peu vite l’esclavage. L'esclavage a été une pratique fréquente au cours de l'histoire et chez de nombreux peuples (Egyptiens, Romains, Moyen Orient, Afrique, Chine, Etats-Unis, colonies occidentales...). Entre le XVIe siècle au XIXe siècle, la traite qui a importé d'Afrique noire plusieurs millions d'esclaves a permis un développement rapide du Nouveau Monde et des économies européennes, grâce à une main-d’œuvre corvéable et bon marché. Les mots connexes à l’esclavage, asservissement, exploitation, servitude ne se déclinent pas seulement dans le champ économique, elles sont aussi un puissant signifiant de l’horreur d’un génocide plus pernicieux qui touche la tribalité des peuples. Le plus impressionnant ici, c’est qu’à ne voir la modernité que dans les belles maisons, les belles voitures, les chaussures de la sape, on se soumet à un véritable oubli de la mémoire de l’identité. Un crime porte en lui l’insigne perversité diabolique de pouvoir se perpétuer grâce aux survivants.

     Dire que la définition du mot colonisation qui insistait sur le bienfondé de l’acte civilisatrice (coloniser un pays pour le mettre en valeur, en exploiter les richesses) intègre désormais cette citation d'Aimé Césaire : "colonisation =chosification" ("Discours sur le colonialisme"), permet désormais la possession d’une dynamique identitaire dans cette ultime tentative de sauvegarder les valeurs qui permettent de digérer la modernité. La tribalité est un rempart. Rempart à l’aliénation psychique, elle constitue un cercle vertueux.

    On peut penser que les peuples qui résistent le mieux à la dévastation et à l’écrasement culturelle préservent leur intégrité d’hommes tout en trouvant leur place dans le concert des nations modernes et prospères. La tribalité chinoise est en train de conquérir le monde. Elle a fini par se dialectiser en mode de vie et en développement économique pour parvenir à symboliser un modèle de prospérité.

    Parions que la révolution tunisienne qui se déploie sous nos yeux repose sur de solides étayages. On sait désormais qu’elle repose sur un peuple mûr qui commence, comme partout ailleurs de remettre en cause les intrusions extérieures.             

    Les exemples font légion pour expliquer ce qu’il en advient lorsque les verrous de la tribalité sautent. Nous observons le cas d’élèves en échec scolaire du fait d’un bilinguisme où la langue maternelle est considérée comme moins prestigieuse que la langue d’adoption. Ce bilinguisme soustractif peut occasionner des troubles de langage. Nous n’insisterons pas sur le cas où les personnes sont malades d’être soi, la défaillance de l’estime de soi a pu dans certains cas relevé d’une perte de repères culturels. Nous avons pu noter lors de nos consultations que certains patients souffraient de déliaison ou de déraison par ce que les assises narcissiques avaient perdues leur contenant. On peut aussi citer les situations où la parentalité dépouillée de ses référents culturels produit la défaillance de l’autorité parentale.

    Enfin lors de la guerre de 1997 une image devenue pour moi traumatique a marqué les esprits : il s’agit d’un adolescent armé qui tenait en joue une mamy à genoux devant lui suppliant « ko boma ngai te ». Le coup est parti, nul ne sait ce qu’est devenu ce jeune homme, mais pour des cas similaire au Rwanda, des campagnes de thérapie ont été initiées pour réhabiliter une forme de tribalité.

    De quelles ombres parlons-nous? Quelles sont donc ces ombres qui murmurent ? Ce sont ces sempiternels faits de népotismes qui nourrissent des cercles vicieux instaurés ça et là par l’absence d’institutions fortes. L’incorruptibilité des structures régaliennes de l’état n’ont pas pu être conçu car on connait aujourd’hui, avec le film sur la françafrique, les velléités des forces occultes qui minent dans l’ombre l’éclosion de véritable exercice de la démocratie. Les ombres sont tenaces, puisque le pouvoir issu de la seule élection qui fit consensus n’a pas abouti à l’unité nationale. Cela est certainement dû au fait que la conférence nationale fut un inachevé qui n’a pas été plus loin que l’accession au pouvoir. C’est comme si la conférence nationale avait érigé le processus électoral et les mécanismes de la démocratie sans en analyser avec le plus grand soin, les fondements doctrinaux. La démocratie est le fruit de la tribalité grecque qui repose sur une doctrine.

    Or une doctrine est un « ensemble de principes, d'énoncés, érigés ou non en système, traduisant une certaine conception de l'univers, de l'existence humaine, de la société, etc., et s'accompagnant volontiers, pour le domaine envisagé, de la formulation de modèles de pensée, de règles de conduite »

    Ceux qui cherche les preuves du nécessaire recours à la tribalité observez et arrêtez vous une seconde sur plusieurs sujets traités sur Zenga-Mambu: les enfants de la rue, la toxicomanie, la prostitution dans des lieux comme la morgue. Vous savez, tous les jours je rencontre des personnes en déshérence, des familles en désarroi, même à l'hôpital psychiatrique de Brazza où j'ai travaillé, à chaque fois il y a à la base une très grosse perte de repères.

    La tribalité nous remet dans les arcanes des valeurs du kimuntu beaucoup trop enfouies dans des frivolités nées du culte hédoniste du plaisir des sens à tel point que la perte du minimum d’ascèse conduit aux cataclysmes politiques que nous connaissons aujourd’hui.

    La tribalité c’est comme la résilience, elle sommeille en nous. Il s’agit maintenant de l’exhumer ou de l’excaver comme le font le peuple tunisien, égyptien …..


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  • Bonjour,

    Le site Internet http://www.debat-tribalite-richesse.org  est prêt à accueillir vos contributions intellectuelles concernant le nouveau débat sur la Tribalité dont le thème est: Tribalité & Redistribution des richesses.

     

    Le régime clanique de Brazzaville s'est accaparé des principales richesses du Congo. Comment peut-on répartir les richesses nationales afin qu'elles  profitent  à l'ensemble des tribalités dans notre pays plutôt qu'à un seul clan?

     

    Nous vous invitons à nous envoyer vos contributions pour publication sur le site Internet du débat  . Si vous souhaitez être un intervenant à cette conférence  n'hésitez pas à nous envoyer votre demande en renvoyant votre demande au  mail suivant : contact@debat-tribalite.org : N'oubliez pas de remplir les infos suivantes:

     

    Nom:

    Prénom(s)

    Domaines de compétences

    Fonctions

     

    Notre service de sélection vous donnera une réponse en 24 H

     

    Bien cordialement

    --   

    Gislaine Nzoungou  

    Membre du comité d'organisation


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  • Chers amis,
    Le 26 mars 2011  sera organisé au Palais Bourbon un Grand débat sur le Thème: Tribalité et Redistribution des Richesses.

    Comment peut-on Répartir la Richesse Nationale  équitablement entre les Tribalités dans les pays africains en général et au Congo-Brazzaville en particulier?
    Tous ceux qui sont inspirés par cette réflexion peuvent nous envoyer leurs contributions qui seront publiées sur le site Internet du débat: http://www.debat-tribalite-richesse.org.
    Bien Cordialement.
    --
    Gislaine Nzoungou
     

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