• L’ex-Premier Ministre de la République centrafricaine et Président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (M.L.P.C) Monsieur Martin ZIGUELE remercie Kovalin TCHIBINDA KOUANGOU, et l’équipe chargé de l’organisation du présent colloque qui ont bien voulu inviter non seulement à y prendre part mais aussi pour y faire une communication sur la problématique de la « Tribalité » dans nos pays africains.

    Malheureusement, il est au regret de ne pas pouvoir être présent parmi vous et en est profondément désolé. Vous n’êtes pas sans savoir en effet qu’au lendemain des élections présidentielles et législatives qui ont eu lieu en Centrafrique le 23 janvier dernier et auxquelles Monsieur Martin ZIGUELE était candidat au nom de son parti, tous les hommes politiques, particulièrement ceux de l’opposition, sont assignés à résidence de fait par le pouvoir en place de Bangui.

    Il y a encore seulement quarante-huit-heures, Me Nicolas TIANGAYE qui devait se rendre à N’Djaména pour plaider une affaire purement privée auprès de la Cour de justice de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), a été arbitrairement empêché sans raison de prendre son vol.

    La République centrafricaine est présentement une véritable prison à ciel ouvert. C’est donc la raison essentielle pour laquelle Monsieur Martin ZIGUELE n’a pu quitter le pays afin de pouvoir participer à la présente réunion et m’a chargé de transmettre néanmoins à l’ensemble des participants et aux organisateurs, ses fraternels et chaleureux remerciements. Il formule également le souhait ardent que tout ce qui sortira d’ici fasse avancer réellement la cause de nos pays respectifs. Pleins succès à vos travaux.

    Paris le 24 mars 2011

    Pour Martin ZIGUELE Prosper N’DOUBA

    Conseiller Spécial


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  • MESSAGE DE GASTON KELMAN<o:p></o:p>

    Chers amis,

    Dès le début de l’aventure initiée par Kovalin Tchibinda Kouangou, j’ai été interpellé et surpris par la témérité de cette approche, et par l’audace de cet homme encore jeune. La TRIBALITÉ, il était évident que tout le monde allait rattacher ce concept naissant au vieux tribalisme indigeste.

    Mais j’ai aussi pensé à un autre concept fondateur que tout Africain et tout négro-Africain francophone en particulier, porte au plus profond de son être, comme le début d’une belle aventure dont les ramifications s’étendront sans fin. Et je me suis souvenu que comme la négritude, la tribalité partait d’un terme négativé, sinon négatif, maudit par les uns et honni par les autres.

    J’aurais tant voulu être parmi vous comme je l’ai fait l’année dernière. Mais un rendez-vous impératif m’appelle à un étranger bien lointain, puisqu’il s’agit d’aller visiter une autre terre, le Cameroun, où la tribalité pourrait avoir sa place. Et c’est cette seule raison qui pouvait m’empêcher d’être parmi vous, pour souhaiter à la tribalité, le succès qu’a connu la négritude.

    Me permettrez-vous d’émettre un vœu en ces temps d’une Afrique tumultueuse.  Ce voeu sera en forme d’évocation d’un poème de Césaire, prophétique plus que jamais. Je vois l’Afrique multiple et une Verticale dans sa tumultueuse péripétie avec ses bourrelets, ses nodules, Un peu à part mais à portée du siècle comme un cœur de réserve. Je sais que vous en serez et que le Congo y jouera un rôle essentiel.

    Gaston KELMAN


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  • Pour que le pétrole Congolais coule pour les pauvres

     

    R. Poaty-Pangou & E. Mabiala ma Mayinguidi

     

    Quoi  et Comment faire pour que le pétrole coule pour  les pauvres, également pour que l’exploitation minière et celle des essences forestières contribuent à leur  prospérité.

    C’est aussi pour répondre à l’intolérable constat dont  le secours catholique vient  en dernier de faire un état complet (“Le pétrole ne coule pas pour les  pauvres“, Février 2011), que le second débat “Tribalité et redistribution de richesses“ à été envisagé dans la série des réflexions sur le concept de la “Tribalité“  initié par Kovalin Tchibinda Kouangou (“Livre blanc sur la Tribalité“, éd. Créavie, Fév. 2011)

    Les auteurs du secours catholique ne pouvaient mieux ouvrir cette étude que de rappeler les mêmes cinglants constats faits aussi par la représentation nationale Française. Celle-ci concluait déjà en Octobre 1999 à l’occasion d’un rapport d’information de la commission des affaires étrangères sur “le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et son impact social et environnemental“:

    En Afrique, la manne pétrolière n’a pas aidé le développement, les chefs d’État l’ont utilisée pour acheter des armes en Angola et au Congo Brazzaville. Au Gabon, au Cameroun, au Nigeria, on peine à découvrir à quoi a servi la rente pétrolière puisque la dette s’est accrue, les populations se sont appauvries, et les infrastructures sont dans un état déplorable. Maintien au pouvoir de dictatures, corruption, violence larvée, atteinte aux droits de l’homme et à l’environnement, tel est le bilan peu glorieux de l’exploitation pétrolière dans toute l’Afrique(sic).

    Dans un Congo où l’incurie, la corruption  et la mal gouvernance de l’appareil d’Etat sont devenues légendaires, l’inadaptation du centralisme du système unitariste justifie aussi l’absence d’une redistribution effective des ressources nationales.

    La reconstruction d’un état réel dans un système de fédéralisation régionale (“Potentiel de la régionalisation pour le développement au Congo“ R. Poaty-Pangou & E. Mabiala ma Mayinguidi ; Journal en ligne Mwinda, Mars 2010) est par conséquent le premier impératif qui garantisse que les populations et les finances publiques tirent effectivement profit de ces ressources nationales.

    La Tribalité soutient que les richesses nationales peuvent être utilisées au bénéfice de tous les Congolais pour améliorer leurs conditions de vie, appuyer leur développement et satisfaire leurs besoins.

    L’objectif est de mettre en place un système qui redistribuerait équitablement les dividendes des ressources relevant de la compétence nationale aux régions autonomes. Celles-ci ayant compétence et responsabilité pour assurer à leurs populations la nourriture, l’éducation de base, les soins médicaux primaires, et le travail.

    Ces objectifs sont inapplicables faute d’avoir développé une approche qui garantisse cette redistribution et permette d’obtenir une implication de nos  compatriotes des contrées les plus reculées, réduit à la lutte quotidienne pour la survie.

    Le pétrole, les minerais et les essences forestières sont donc potentiellement un des fondements du développement du Congo. Ces ressources dont la gestion relève de la compétence nationale dans le système fédéral envisagé, achoppent sur la même problématique de la faiblesse institutionnelle des dispositifs qui sont supposés en partager les fruits entre les exploitants privés, l’État et les populations.

    L’unitarisme et sa centralisation étatique excessive, limite sa capacité à redistribuer efficacement les dividendes de richesses nationales et ainsi résoudre les problèmes à caractère régionaux.

    Le risque du jacobinisme étatique dans la redistribution est la déperdition voire l’évaporation de dotation avant d’atteindre ses cibles régionales. L’absence d’institution de contrôle n’en fait qu’un amplificateur. Ce risque peut aussi se présenter sous forme de choix imposé des priorités d’actions économiques à entreprendre au niveau de ces bases régionales. On conçoit facilement que les intérêts et les priorités d’une zone septentrionale ne convergent pas nécessairement de ceux d’une zone australe ou méridionale.

    A contrario, dans un système fédéraliste, en ce qu’il présente à chaque niveau des institutions de contrôle efficaces, transparentes et impartiaux, le risque de déperdition et d’évaporation dans la redistribution y est fortement limité.

    La richesse en ressources naturelles Congolaise fascine tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ce découpage territorial arbitraire, hérité du congrès de Berlin de 1884. Les convulsions politiques observées depuis cinquante (50) ans sont aussi liées à la volonté acharnée d’accaparement de ces richesses. Ceci fait de l’économie Congolaise une économie essentiellement de prélèvement de la richesse brute, la valeur ajoutée se forgeant ailleurs au détriment des populations régionales locales qui voient partir les chargements de minerais, de bois et de pétrole vers les usines d’autres horizons.

    La fédéralisation régionale devrait par conséquent aussi permettre de générer la valeur ajoutée sur les territoires d’exploitation. Ceci d’autant plus qu’il est de notoriété publique que tout ce qui peut contribuer à la création de la valeur ajoutée sur un territoire est bénéfique et que l’argent reçu a moins de valeur que l’argent crée par sa propre vertu du travail.

    Attendu que les actions engagées par différents acteurs (coalition “Publiez Ce Que Vous Payez“ ; Extractives Industries Transparency Initiative (EITI) ; Transparency International ; Global Witness ; etc.) pour l’assainissement et la transparence de la gestion des ressources notamment pétrolières sont appréciables. Il est impératif que ces actions s’accompagnent de réformes institutionnelle et administrative radicales qui permettent une gestion et une redistribution efficace et non selon les errements qui ont trop souvent aboutis à la dilapidation de ces revenus.

    Les défis sont donc nombreux et de taille, toutefois il est certain que la stratégie de redistribution par dotation régionale équitable, conjuguée à la nécessité de création de valeur ajoutée sur les territoires et la capacité d’initiative et de création de richesse au niveau des bases régionales permettent un vrai essor de l’activité économique. Des progrès considérables sont ainsi possibles assez rapidement.

    Il faille pour ce faire que l’appareil d’État central retrouve une réelle fonctionnalité dans ses missions régaliennes, régulatrices d’équilibres socioéconomiques régionaux et de pilotage de grands projets Infra et Super structurels (voies et réseaux de communications), et que la volonté d’éradication de la corruption se matérialise par la mise en place des garde-fous institutionnels efficaces, transparents et impartiaux.


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  • Kovalin TCHIBINDA KOUANGOU

    Ecouter l'interview de Kovalin TCHIBINDA KOUANGOU sur la radio Paris Fréquence Plurielle

     

    Conférence

     

    Panafricaine sur la

     

    Tribalité

     

    Samedi 26 mars 2011

     

    Palais Bourbon

     

    126 Rue de l'université 75355 Paris

     

    Metro: Assemblée Nationale (Ligne 12)

     

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    Télécharger la plaquette de la conférence

     

    Liste des conférenciers


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  • Dans l’article « Pourquoi adhère-t-on à un parti plutôt qu’à un autre ? », nous avions conclu qu’en règle générale, les élites africaines créent des partis politiques pour assouvir leur soif du pouvoir. Pour cela, elles s’appuient sur leurs identités communautaires respectives qui ressentent le besoin d’être représentées dans la gestion de l’Etat voire d’y occuper une position hégémonique. Par Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo.

    Illustration : Démocratie et vote

    Aussi les masses se mobilisent-elles derrière un leader de leur ethnie ou région. Les élites, elles, ont un souci supplémentaire : le positionnement. Ici, l’individu adhère au parti qui peut certes l’attirer pour l’une ou l’autre raison sentimentale, mais qui en pratique semble lui offrir plus de chance de devenir un animal politique. La combinaison de ces deux facteurs explique l’existence des partis dans lesquels se retrouvent des élites issues de différentes identités communautaires, traînant derrière elles des clientèles ethnico-régionales sans pour autant empêcher la domination du parti par des membres de l’identité ethnique ou régionale du chef. Cette conclusion soulignait l’inutilité des partis africains, qui du reste n’existent que pour les élections, tout en explorant une autre voie de la démocratie, cette fois non conflictuelle et basée sur les identités ethniques ou régionales. Dans les lignes qui suivent, nous nous proposons de démontrer que construire la démocratie de cette nouvelle manière n’est rien moins qu’une question de bon sens.

    DÉFINITION DE LA RÉGIONALITÉ

     

    La régionalité renvoie à trois notions : le « super-tribalisme », l’« ethnicité artificielle » et les « limites territoriales ». Le « super-tribalisme » traduit la réalité ci-après : « Plus un groupe de population est distant, à la fois socialement et géographiquement, d’un autre groupe, plus grande aussi sera la tendance de chacun à considérer l’autre comme une catégorie indifférenciée et à lui coller une étiquette générale » (Mitchell, J. C., The Kalela Dance, Manchester, MUP, 1956). Le clivage Est-Ouest au Congo s’inscrit dans ce type de régionalité. Pour les habitants de l’Est, les gens de l’Ouest sont des « Bakongo » ou des « Bangala ». Et ceux-ci collent aux premiers l’étiquette de « Baswahili ».

    Le « super-tribalisme » constitue déjà une forme d’ethnicité artificielle. Celle-ci peut également traduire l’idée d’une erreur ethnographique qui serait intériorisée comme réalité par les populations concernées. Comme le note Burssens, « on a cru longtemps à l’existence d’un peuple appelé + Bangala +, parlant le lingala et possédant des caractéristiques ethniques et culturelles bien déterminées. On sait aujourd’hui avec certitude que, dans tout le Congo belge, il n’existe pas un groupe ethnique portant ce nom » (Burssens, H., Les peuplades de l’entre Congo-Ubangi, Tervueren, Musée Royal du Congo belge, 1958).

    Les « limites territoriales » sont également génératrices du sentiment de régionalité. Comme les frontières nationales, « les divisions administratives viennent couper les territoires des tribus aussi bien que les domaines linguistiques... Leur existence même a fini par créer entre les indigènes des attaches d’une espèce différente » (Biebuyck, D. & Douglas, M., Congo Tribes and Parties, Londres, Royal Anthropological Institute, 1961). Toutes les entités administratives au Congo, du secteur à la province en passant par le territoire et le district, ont acquis cette sensibilité. C’est ainsi que dans la province du Bas-Congo par exemple, le problème posé par le choix du site de l’université, une de ces universités provinciales souvent non-viables qui ont vu le jour avec la « démocratisation », a été résolu par l’implantation de trois campus : Inkisi, Mbanza-Ngungu et Boma, en raison de trois districts qui composent cette province.

    SENS DE LA RÉGIONALITÉ

    S’interrogeant sur le chemin à suivre par l’Afrique vers la démocratie, Sven Kühn Von Burgsdorff constate opportunément que « lors de l’accès à l’indépendance au cours des années 1950 et 1960, la complexité socio-politique de la plupart des sociétés africaines ne correspondait pas à la dimension des Etats créés, que ce soit en termes de superficie ou de population. En d’autres termes, la majorité des Etats africains étaient et sont encore trop grands par rapport au niveau traditionnel de développement socio-politique de leurs groupes ethniques dominants respectifs » (Le Courrier, n° 134, juillet-août 1992). Déjà en 1960, Joseph Ileo, alors premier ministre, déclarait au cours d’une conférence de presse, sans pouvoir tirer les conclusions politiques qu’imposait une telle observation : « Le Congo n’est pas un peuple. C’est un ensemble de grands groupes ethniques constituant chacun un peuple ». De son côté, le sociologue T. K. Biaya constate que « les Etats africains sont généralement pluri-nationaux et former un Etat uninational sur cette base est un long processus que même les pays européens n’ont pas pleinement achevé » (Le Zaïre vers quelles destinées?, Série des livres du Codersia, Dakar, 1992).

    De ces observations, Von Burgsdorff tire la conclusion suivante : « Tout d’abord, que ce n’est pas l’illusion d’une Nation-Etat qui mérite le plus d’attention. C’est la région ou la communauté qui doit être mise au premier plan. En d’autres termes, la zone géographique peuplée par un groupe distinct de gens qui partagent les mêmes valeurs socioculturelles, des moyens similaires de production et de subsistance, et un attachement à un système traditionnel bien ancré d’auto-organisation politique ». On retrouve ici les préoccupations des pères fondateurs de l’« Alliance des Bakongo (ABAKO) », les seuls leaders politiques congolais de 1960 qui avaient une vision politique réaliste de la démocratie. Contrairement aux autres politiciens de l’époque qui vouaient un culte béat à la démocratie occidentale, les dirigeants de l’« ABAKO » voulaient mettre sur pied une démocratie qui procéderait de l’esprit créateur de l’homme, en tenant compte des spécificités congolaises. Déjà en 1956, l’« ABAKO » plaidait pour que « les groupes historiquement, ethniquement et linguistiquement unis ou apparentés s’organisent pour former autant de partis politiques » (Le Contre-Manifeste de l’« ABAKO », 23 août 1956). Malheureusement, la classe politique s’était embourbée dans la querelle byzantine opposant les unitaristes aux fédéralistes, querelle qui ne résout nullement le problème de l’hégémonie d’un groupe sur les autres.

    LE CAS MALAWITE

    Pendant près de 30 ans, le Dr Hastings Kamuzu Banda, président à vie autoproclamé, a régné en maître absolu au Malawi. En mai 1994, des élections démocratiques l’ont chassé du pouvoir. Trois partis s’étaient lancés dans la course : le « MCP (Malawi Congress Party) », l’ex-parti unique dirigé par le despote nonagénaire, l’« UDF (United Democratic Front) » sous la conduite de Bakili Muluzi, qui a succédé au premier, et l’« AFORD (Alliance For Democracy) » avec comme leader Chafkuwa Chihana. L’« UDF » obtint 45 % des voix contre 37 % pour le « MCP » et 17 % à l’« AFORD » (Le Courrier, n° 152, juillet-août 1995). Mais les résultats globaux n’ont aucune signification réelle en Afrique. Ce qui compte, c’est que l’« UDF » obtint 78 % dans le sud du pays, le « MCP » 65 % dans le centre tandis que l’« AFORD » remporta une écrasante majorité de 85 % dans le nord. Avec 85 sièges au parlement contre 56 au « MCP » et 36 à l’« AFORD », les dirigeants de l’« UDF » ont d’abord voulu jouer aux civilisés en ignorant le message de l’Afrique profonde. Ils formèrent donc un gouvernement minoritaire. A la surprise générale, l’« AFORD » conclut tout d’abord une alliance d’opposition avec le « MCP » alors que plusieurs de ses membres provenaient à l’origine de l’« UDF ». L’explication ? La nécessité de mettre le pays à l’abri de divisions tribales ». Il faudra cinq mois aux dirigeants de l’« UDF » et à leurs opposants de l’« AFORD » pour décoder, partiellement, le message de l’Afrique profonde à travers les urnes. « En septembre, M. Chihana acceptait la proposition du Président Muluzi de devenir second vice-président, fonction non prévue par la constitution et que le parlement dut créer. Il fut également nommé Ministre des Eaux et de l’Irrigation, et son parti, l’+ AFORD +, obtint trois autres postes ministériels. L’explication du Président ? La nécessité de mettre le pays à l’abri de divisions tribales ». Et comme les élites africaines préfèrent regarder leurs sociétés avec les yeux des ex-colonisateurs et non avec les leurs propres, l’« AFORD » affirmait qu’elle maintenait son statut de parti d’opposition.

    L’analyse détaillée des résultats électoraux au Malawi dessine les contours d’un net découpage régional et ethnique du pays. Ce clivage a toujours existé. Lorsque Kamuzu Banda, originaire du centre était au pouvoir, il « avait outrageusement favorisé le centre et avait notamment fait de sa langue maternelle, le chichewa, la langue officielle du Malawi, alors qu’elle n’est parlée que par une minorité de gens » (Le Courrier, n° 153, septembre-octobre 1995). Ce clivage - et le favoritisme qui s’ensuit - existe dans presque tous les Etats post-coloniaux d’Afrique. Il peut prendre l’une des formes suivantes : Nord-Sud, Nord-Centre-Sud, Est-Ouest, Est-Centre-Ouest, etc.

    Pour revenir à l’exemple malawite, il va sans dire que la meilleure façon de mettre le pays non pas à l’abri de divisions tribales, puisque celles-ci existent, mais à l’abri de violences intertribales, c’est de jeter tout bonnement à la poubelle les concepts de parti politique, multipartisme et opposition, et d’envisager une démocratie sur la base de trois entités ethnico-régionales à travers lesquelles les populations se reconnaissent. Car ce ne sont pas les charmes des idéologies de l’« AFORD », « MCP » et « UDF » qui ont convaincu les populations de voter massivement au nord pour l’« AFORD », au centre pour le « MCP » et au sud pour l’« UDF ». Le scrutin parlementaire malawite démontre clairement qu’une démocratie basée sur les sensibilités ethnico-régionales est une alternative qui s’impose en Afrique face à la fascination mimétique de la démocratie libérale. En effet, si avant les indépendances, l’ethnicité renvoyait à un mode d’organisation sociale, elle est devenue, la décolonisation aidant, un mode d’accès au pouvoir.

    AILLEURS EN AFRIQUE

    Ce qui est vrai pour le Malawi l’est pour l’ensemble des Etats africains. En août 1992, le multipartisme, lors de l’élection présidentielle au Congo-Brazzaville, n’était qu’un simple artifice. Le scrutin n’a pas opposé les trois partis principaux du pays : le « Parti congolais du travail (PCT) », l’ex-parti unique devenu un club privé dirigé par l’ancien et futur dictateur Denis Sassou Nguesso, le « Mouvement congolais pour le développement et la démocratie intégrale (MCDDI) » de Bernard Kolelas et l’« Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) », le parti de Pascal Lissouba. Le trio Sassou-Kolelas-Lissouba représentait en réalité les trois grandes aires régionales et ethniques du Congo Brazzaville : « le Nord (Sassou) », « le Centre ou le Pool (Kolelas) » et « le Sud ou le fameux Nibolek, c’est-à-dire le pays Niari-Bouenza-Lekoumou (Lissouba) ». Des identités bien distinctes même dans la répartition géographique de la population de Brazzaville, la capitale : les quartiers de Talangaï et de Mikalou abritent en majorité les ressortissants du Nord, celui de Bacongo ceux du Pool et les Sudistes à Potopoto et Mongali. Ces groupes ethniques se sont militarisés suite à une démocratisation mal conçue, avec les « Ninjas » de Kolelas, les « Cobras » de Sassou et les « Zoulous » de Lissouba.

    En 1993, « l’élection de Mohamane Ousmane fut accueillie comme une revanche des + Haoussas + qui, bien que formant l’ethnie majoritaire (55 %), n’avaient jamais dirigé le Niger, le pouvoir étant détenu depuis l’indépendance par les + Djermas (influents dans l’armée) + » (Jeune Afrique, n° 1851 du 26 juin au 2 juillet 1996). Il en fut de même pendant les présidentielles de mars 1996 au Bénin, pays considéré comme le laboratoire de la démocratie du continent. Car « au delà des qualités respectives de chacun des candidats, la dimension régionaliste, voire ethnique, demeurait une donnée fondamentale du scrutin. Tout le monde se mobilisait derrière un leader politique de sa région d’origine » (Jeune Afrique, n° 1835, 6 au 12 mars 1996). Mais les élites béninoises, loin d’assumer leur ethnicité et leur régionalité, vivaient « cette permanence d’un vote régionaliste » comme « une véritable plaie, d’ailleurs largement débattue sur la place publique, au cours d’émissions de radio ou de télévision ». Parce qu’eux aussi voulaient jouer aux civilisés, voulaient ressembler aux Occidentaux.

    Après, comme avant et pendant les élections, l’ethnicité et/ou la régionalité sont présentes au rendez-vous, comme l’attestent également les changements de pouvoir survenus en République centrafricaine depuis le retour du multipartisme. Ceux-ci reflètent en réalité une guerre d’hégémonie opposant le Nord au Sud : d’un côté, le nordiste Ange-Félix Patassé, de l’autre, les mutins auxquels il devait faire face et dont la plupart étaient des Yakoma, ethnie de l’ex-dictateur, le sudiste André Kolingba. Dès la campagne électorale de 1993, Patassé avait promis implicitement que son élection serait synonyme de la revanche des « savaniers », les tribus du Nord, contre les « riverains », celles du Sud, longtemps dépositaires du pouvoir. On pourrait multiplier les exemples jusqu’à l’infini.

    Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo : Construire la démocratie en afrique sur la « régionalité » ? est une simple question de bon sens.

    CONCLUSION

    Que la démocratie se base sur la région, cela correspond à un regard internalisé, contrairement à la fascination mimétique. Comme le note si bien Von Burgsdorff, « cette approche fédéraliste partant de la communauté semble bien correspondre à des sociétés caractérisées par des clivages ethniques très marqués et des structures socio-économiques fragmentées ». L’ignorer en jouant aux « civilisés » créant des partis politiques comme en Occident, c’est pratiquer la politique de l’autruche et exposer les Etats à l’agitation, la violence et l’instabilité. L’Afrique refuse obstinément de se rendre à l’évidence parce que ses élites politico-intellectuelles restent colonisées jusqu’à la moelle des os.

    Dans un prochain article, nous allons traiter d’un de rares pays africains à vivre une démocratie apaisée. Son secret ? Avoir intégré d’une certaine manière ce qui est dit ci-haut dans sa mécanique institutionnelle. Preuve, s’il en faut, que tous les Africains ne sont pas aussi aveugles que les Congolais et bien d’autres qui depuis les indépendances ne se rendent même pas compte que la démocratie occidentale n’est pas la démocratie tout court, qu’elle n’est qu’une forme de démocratie, qu’elle constitue une nuisance en Afrique, que d’autres formes de démocratie sont possibles et imaginables, et qu’il est temps d’ouvrir enfin le débat sur la démocratie au lieu de suivre des hommes politiques qui ne sont en réalité que des tonneaux vides dans ce domaine.


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